In Hill Strategies Blog

Des arts plus verts?

janvier 12, 202212 janvier 2022

Auteur.e.s

Kelly Hill

Les arts et l’environnement sont inextricablement liés. La crise climatique affecte déjà grandement nos communautés, y compris les artistes et les infrastructures artistiques. Ce billet fait le pont entre les arts et l’environnement en abordant la question des récits et des thèmes artistiques, du militantisme créatif, des répercussions environnementales sur le secteur des arts, des pratiques environnementales du secteur, ainsi que des enjeux communs concernant les politiques.

Les conclusions des diverses recherches indiquent que le secteur des arts pourrait contribuer davantage aux solutions climatiques, étant donné l’importance des arts au sein du militantisme environnemental, mais aussi de la mise en place plutôt limitée de pratiques et de politiques environnementales par les organismes artistiques et de la déconnexion des arts et de l’environnement au niveau des politiques.

La place des arts dans la sensibilisation et le militantisme en matière environnementale

Le secteur des arts peut contribuer de façon unique à la sensibilisation et au militantisme climatiques au moyen des récits. Comme le mentionnait PACT dans son introduction aux Séances vertes : « Nous croyons que les artistes ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte climatique, et que ce rôle, tant des narrateurs que des communicateurs, peut être déterminant pour faciliter la transition au sein de la société. »

La crise climatique est directement abordée dans de nombreuses œuvres d’art, notamment en fiction, en documentaire (p. ex., dans le livre A Good War: Mobilizing Canada for the Climate Emergency), en théâtre (p. ex., dans la pièce Lighting the Way: An Anthology of Short Plays About the Climate Crisis), en opéra (p. ex., dans l’œuvre Namwayut, menée par des personnes autochtones et commandée par le Calgary Opera), en musique (p. ex., dans les chansons du Tar Sands Songbook de Tanya Kalmanovitch), ainsi que dans les arts visuels et médiatiques (p. ex., au cœur du projet Anthropocene et du ReSurge Festival).

Un manifeste rédigé par le groupe international Réseau Patrimoine Climatique cerne des aspects importants de la relation entre la culture et les changements climatiques :

La culture permet d’ancrer les individus dans des lieux et entre eux. Elle peut créer une cohésion qui permet le développement de communautés et d’actions collectives. Les artistes et les voix du monde de la culture stimulent la sensibilisation et l’action du public ; leur travail peut être un outil puissant de mobilisation en faveur du climat. Grâce à l’accessibilité et à la confiance du public, les institutions culturelles telles que les musées et les bibliothèques constituent des plateformes d’écoute des communautés et des centres d’échanges multiculturels et intergénérationnels, de renforcement des capacités et de partage des connaissances.

Dans la même veine, un rapport publié récemment par Julie’s Bicycle désigne la culture comme la grande absente des mesures environnementales (The Missing Link to Climate Action). Il souligne également l’influence qu’ont les artistes et les organismes artistiques sur les mesures de protection environnementale :

  • De nombreux artistes, organismes artistiques et réseaux sont déjà fortement mobilisés au sujet des enjeux environnementaux.
  • « Les arts, les secteurs d’activité créatifs et le patrimoine offrent des occasions uniques d’accélérer les efforts de protection environnementale… Ils sont très innovants et intimement liés aux lieux et aux collectivités. Ils influencent nos goûts et nos modes de vie, et sont les narrateurs de récits puissants. »
  • De nombreux artistes, militants et organismes artistiques ont placé l’environnement au cœur de leurs pratiques créatives, « en mettant l’accent sur les enjeux de justice et d’équité, et en demandant de contribuer au développement des politiques ».

Laurence D. Dubuc, membre du comité consultatif de la série Perspectives sur les arts au Canada, est impliquée dans l’organisation d’une conversation entre des artistes et des personnes travaillant dans le secteur artistique au sujet des liens entre les changements climatiques, la sécurité du revenu et la résilience des communautés. Mené par Amanda Vincelli et soutenu par le Projet de résilience verte et Environnement et Changement climatique Canada, l’événement se tiendra fin janvier.

Les arts peuvent être un outil efficace dans le militantisme. Des chercheurs ont comparé l’efficacité du « militantisme artistique » et son pendant conventionnel. Par exemple, le militantisme artistique pourrait mettre en lumière les impacts environnementaux du méthane grâce aux interventions d’un groupe de gens vêtus d’un costume de vache qui ont placé de la bouse de vache sur un pont. Les méthodes de militantisme conventionnelles auraient plutôt favorisé des allocutions publiques, des pétitions et des dépliants pour tenter d’atteindre le même but. La recherche a permis de découvrir que :

Une approche créative était plus efficace que les méthodes conventionnelles pour atteindre des objectifs de plaidoyer traditionnels, comme la sensibilisation, la mobilisation et la réceptivité. De plus, les réponses affectives de la plupart des personnes interrogées et observées étaient nettement plus positives à l’égard des interventions créatives que des méthodes conventionnelles. Le militantisme créatif s’est également avéré plus mémorable et a entraîné un plus grand nombre de mesures de suivi sur ces enjeux.

La conclusion selon laquelle le militantisme créatif est plus mémorable que sa forme conventionnelle a eu le même écho dans une recherche menée dans le secteur des études en arts qui a démontré que les élèves sont plus à même de retenir des connaissances sur des sujets ne concernant pas les arts, comme la science, si ces sujets sont enseignés à l’aide de méthodes artistiques.

Les mesures prises par les organismes artistiques

Un forum organisé récemment par Culture Montréal a reconnu que les conséquences environnementales des productions artistiques ne sont pas négligeables. Le forum a mis en lumière les impacts environnementaux des installations éphémères, des décors et des accessoires de scène, des bouteilles d’eau, de l’emballage alimentaire, de l’impression des affiches, de la signalisation dans les festivals et les programmes, du transport de matériels, des tournées nationales et internationales et bien plus.

Dans ce contexte, à quel point le secteur des arts met-il en place des mesures favorables à l’environnement? Une enquête menée en 2021 par Statistique Canada expose, de façon très générale, les types de mesures environnementales prises par les organismes sans but lucratif et les entreprises commerciales. Nous avons analysé cet ensemble de données qui analyse le secteur regroupant « les arts, le spectacle et les loisirs », soit celui qui se rapproche le plus du secteur des arts.

Dans l’ensemble, les données montrent que les organismes et les entreprises dans les domaines des arts, du spectacle et des loisirs ne sont pas particulièrement mobilisés à l’égard des pratiques environnementales sans être démobilisés pour autant. Près des deux tiers d’entre eux ont mis en place certaines formes de pratiques ou de politiques environnementales (63 %), un pourcentage qui s’approche de la moyenne de l’ensemble des organismes et entreprises canadiens (60 %), mais qui est légèrement inférieur à l’ensemble des organismes sans but lucratif (70 %).

Les pratiques environnementales les plus répandues parmi les organismes et entreprises du secteur des arts, du spectacle et des loisirs sont les suivantes :

  • Encourager les employés à adopter des pratiques écologiques : 43 %
  • Réduire les déchets : 39 %
  • Réduire la consommation d’énergie et d’eau : 30 %
  • Choisir des fournisseurs selon leurs pratiques ou leurs produits écoresponsables : 26 %

Par ailleurs, relativement peu d’organismes et d’entreprises du secteur :

  • Ont formulé une politique environnementale (9 %)
  • Ont mesuré leurs empreintes environnementales (9 %)
  • Ont obtenu ou maintenu une ou plusieurs certifications écoresponsables (5 %)

Le fait que ces pourcentages ne sont pas particulièrement élevés peut surprendre, étant donné les liens qui unissent les arts et l’environnement, comme nous l’avons mentionné précédemment. L’argent est sans doute un facteur de taille, car il est possible que de nombreux organismes artistiques n’aient pas les fonds suffisants pour acheter des produits et services écologiques.

Un sondage mené auprès des éditeurs canadiens (avant la pandémie) examinait des mesures environnementales plus précises que celles observées dans l’enquête de Statistique Canada. Cette recherche ne peut pas être comparée directement à l’enquête de Statistique Canada, mais elle indique tout de même qu’une proportion relativement élevée d’éditeurs a adopté certaines pratiques environnementales : « 74 % ont utilisé la visioconférence plutôt que de se déplacer en personne, 62 % se sont approvisionnés en papier auprès de sources provenant de forêts certifiées pour leur matériel de ventes et de soutien, 53 % ont utilisé des technologies d’impression sur demande et une autre tranche de 53 % s’est approvisionnée en papier provenant de forêts certifiées pour l’impression de leurs livres et manuscrits ».

Les occasions et les défis des politiques

Du point de vue des politiques, les recherches indiquent qu’il semble y avoir un fossé entre les arts et l’environnement. Le rapport de Julie’s Bicycle qui identifie la culture comme la grande absente des mesures environnementales contient plusieurs conclusions concernant les politiques, notamment :

  • « Les politiques nationales en matière de culture et d’arts ne sont pas encore harmonisées, de façon générale, à la climatologie et aux engagements nationaux en vertu de l’Accord de Paris. »
  • « Les exigences relativement aux mesures environnementales se font encore plutôt rares du côté de la politique culturelle nationale », tout comme les liens entre les ministères responsables de la culture et de l’environnement.
  • La communauté culturelle a besoin « de cadres politiques, d’autorité, de financement et de responsabilisation pour être pleinement intégrée à la planification environnementale nationale ».

Sur le plan local, un rapport international, publié en novembre 2021, a traité des politiques et des programmes culturels mis en place pour agir contre les changements climatiques dans les « principales villes du monde ». Il comprend notamment les conclusions d’une enquête menée auprès des membres du World Cities Culture Forum (dont Montréal, Toronto, et Vancouver), d’entrevues et de quatre études de cas (Buenos Aires, Chengdu, Lisbonne et Oslo).

L’une des conclusions présentées est particulièrement intéressante : « la crise environnementale est une grande priorité pour les villes du monde, [mais] elle n’est pas toujours reflétée dans leurs priorités culturelles ». Vu l’urgence climatique, le rapport présente « cinq impératifs en matière de politique culturelle » :

  • Les changements climatiques sont l’affaire de tous;
  • L’évaluation des répercussions climatiques est cruciale dans chaque décision;
  • Les grandes villes doivent avoir de grandes ambitions;
  • Il est essentiel de raconter les bonnes histoires;
  • L’infrastructure verte est une infrastructure culturelle.

Coup d’œil sur nos propres mesures

Chez Hill Stratégies, nous n’avons pas encore entrepris de démarches de certification écoresponsable. Cependant, à la fin de 2019, nous avons reconnu l’importance de la carboneutralité – voire de la carbopositivité – en achetant des compensations carbone et en investissant dans la plantation d’arbres pour compenser notre consommation énergétique typique lors de nos déplacements par avion, véhicule, train et autobus, ainsi que notre consommation de gaz naturel. Concernant l’électricité, Hill Stratégies fait appel à un fournisseur écologique, Bullfrog Power, depuis des années. (Remarque concernant la carbopositivité : Nos calculs étaient fondés sur les niveaux prépandémiques de déplacements, et nous avons estimé notre distance typique parcourue de façon plutôt élevée, même pour la période prépandémique. Cependant, nous n’avons pas encore examiné les autres répercussions potentielles de notre chaîne d’approvisionnement.)

Nouvelles ressources
catégories
Ressources par date