État d’émergence : Pourquoi avons-nous besoin des artistes en ce moment

(State of Emergence: Why We Need Artists Right Now)

mars 2, 20222 mars 2022

le numéro

Les arts et les transformations postpandémiques : Regard sur les artistes, les arts et les changements au sein de la société

Auteur.e.s

Shannon Litzenberger

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https://shannonlitzenberger.medium.com/state-of-emergence-why-we-need-artists-right-now-e7958d705caa

Cet essai soutient que « les artistes ne sont pas adéquatement placés au cœur de l’écosystème des arts professionnels ni soutenus par ce dernier, pas plus qu’ils n’ont été mobilisés de façon ambitieuse comme agents de changement durant cette période de crise, au grand détriment du secteur des arts et de la culture, de même que de la société en général ». L’essai définit les artistes à l’heure actuelle comme étant « isolés » et traite des possibilités d’utiliser la culture comme un levier de changement, de voir les artistes à titre de « bâtisseurs » et de viser un nouveau système socioéconomique.

Concernant la situation actuelle des artistes, Shannon Litzenberger cite des statistiques sur la précarité des artistes et remarque que certains d’entre eux quittent le domaine complètement. Les artistes, ainsi que les petits organismes artistiques, évoluent dans un environnement « très concurrentiel de financements de projet tout ou rien, de microsubventions et de campagnes sur Kickstarter ». Dans ce contexte, l’auteure énonce « qu’un revenu de base garanti est nécessaire pour les artistes puisque notre système de production culturelle a tellement profondément amoindri la valeur des arts et nui à la capacité des artistes d’en tirer un revenu de subsistance ».

Selon l’auteure, l’art peut et devrait être une façon de connaître et d’imaginer de nouveaux mondes. Si l’art est « un processus de transformation soucieux du développement humain collectif », comme en croit l’auteure, les artistes devraient alors être perçus comme des catalyseurs de changement et non seulement comme « des licornes créatives servant à divertir, à distraire et à réconforter ». L’art et les processus de création artistique sont particulièrement importants durant une pandémie, que l’auteure voit « à la fois comme une urgence et une révolution naissante ».

En ce qui a trait à la désignation de la culture comme un levier de changement, l’auteure indique que les processus s’étendant sur des générations, qui visent à « forger une culture libérée des éthos coloniaux historiques » dans lesquels le Canada est enfoncé, nécessiteront la réinvention des politiques culturelles, de la participation et de l’équité. Les arts devront refléter « une population pluraliste sur le plan culturel dans une société postcoloniale ». Elle souligne : « Nous devons entreprendre un processus plus fondamental de création organisé autour des principes de pluralité culturelle, d’équité et de justice, de durabilité, de participation créative, de soins et de bien-être collectifs, et plus. »

Shannon Litzenberger reconnaît qu’elle propose une « tâche quasi impossible » pour les artistes, soit d’équilibrer « la compétition féroce pour l’obtention de ressources rares et le travail visant un progrès collectif », notamment en raison des défis importants suivant :

• La précarité des vies professionnelles des artistes;
• L’épuisement professionnel;
• La croyance que l’industrie des arts est « enfoncée dans les règles, les dynamiques et les normes culturelles que nous cherchons à perturber »;
• Une dépendance à « chaque petit avantage qui nous est accordé par le système [actuel] »;
• Un besoin de « se concentrer sur les activités artistiques qui ont la meilleure chance d’être financées et de faire l’objet d’une promotion »;
• De faibles retours sur les « investissements émotionnels, spirituels et créatifs » des artistes.

Pour surmonter ces défis, l’auteure suggère que « nous expérimentions de nouvelles façons de travailler qui correspondent mieux au monde dans lequel nous vivons ».

En ce qui a trait à la volonté de donner aux artistes le rôle de bâtisseurs, Shannon Litzenberger note que le processus artistique est « capable de bâtir des mondes puisqu’il explore des horizons de possibilités en stimulant nos capacités sensorielles pleinement incarnées, dont notre imagination… Une expérience artistique significative peut nous orienter vers de nouvelles compréhension, participation et action ». Les processus artistiques, à la fois relationnels et conditionnels, sont « particulièrement pertinents comme catalyseurs de changements transformationnels dans un monde en transition très complexe ».

Pour réussir ce changement, l’auteure propose que les artistes individuels soient centrés, avec « leur capacité aiguisée d’expérimenter avec la pratique artistique émergente » qui devient « une stratégie d’organisation durant cette période de transition entre deux mondes ».

Shannon Litzenberger partage ses réflexions quant à la création d’un nouveau système socioéconomique. Elle avance que, « grâce au pouvoir transformateur de leurs pratiques créatives, les artistes sont spécialement et uniquement aptes à catalyser le genre de changements dont nous avons besoin au sein du système en instaurant ces changements au niveau de la culture ». Au sein du secteur des arts, les changements apportés au système exigent notamment de tourner le dos aux notions d’« excellence artistique » afin d’imaginer de « nouvelles façons de comprendre comment l’art donne du sens à nos vies ». Cela permettrait de remettre en question des « concepts de valeur explicite, d’impact sur le public et d’évaluation lorsque nous mettons en place des façons difficilement mesurables ». L’auteure soutient la nécessité de mettre l’accent davantage sur l’expérimentation et la découverte, et moins sur la production et la distribution.

Enfin, elle conclut qu’à partir des « découvertes des artistes – reposant sur des valeurs de souci d’autrui, de possibilité créative, de justice sociale, d’interdépendance et de durabilité – un nouveau monde émergera ».