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ALAVIVA et Maelström créatif : Joindre l’utile à l’agréable

Québec, QuébecQuébec (Québec)

Chercheure d’histoire : Myriam Benzakour-Durand
Personne passée en entrevue : Andrée Pelletier, fondatrice et directrice du développement
Date d’entrevue : 15 juillet 2021

ALAVIVA est un organisme qui œuvre pour stimuler et briser l’isolement des aînés et des personnes à mobilité réduite au moyen des technologies. Le projet Maelström créatif d’ALAVIVA agit comme courroie de transmission entre les organisations culturelles et les clientèles des résidences pour aînés et des centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Le projet permet de répondre à deux problématiques sociétales : premièrement, le manque de stimulation cognitive et physique et l’isolement social des aînés qui a pour conséquence une perte d’autonomie accélérée; et deuxièmement, la situation financière précaire des travailleurs culturels qui sont soumis à des cycles de fluctuations d’emploi (offres contractuelles, emplois saisonniers, etc.).

L’innovation : Un robot au service de l’art

Avec l’arrivée de la pandémie en mars 2020, il est devenu urgent pour Andrée Pelletier, fondatrice et directrice du développement chez ALAVIVA, de « connecter des humains avec d’autres humains ». Cette urgence l’a menée à emprunter un robot de téléprésence afin de jumeler des guides interprètes dans des musées fermés avec des aînés coincés en résidence. Le robot offrait à distance, par exemple, une visite virtuelle et un accès aux œuvres du musée Pointe-à-Callière à Montréal, en plaçant l’individu au centre de l’expérience. Dans cette activité, un médiateur culturel de Montréal était diffusé sur l’écran du robot, pour transporter le téléspectateur d’une résidence de la ville de Québec en direct dans l’exposition.

Logo de Maelstr

Les premières activités furent offertes dans la résidence où son père habitait et où elle était proche aidante, afin d’y faire des tests utilisateurs. Pour Andrée, le robot de téléprésence a permis un échange « yeux dans les yeux, et avec le sourire bien visible, ce qui est une denrée rare en résidence », en plus d’une visite virtuelle.

Les tests utilisateur ont démontré le fort potentiel du projet et la grande accessibilité de la part des publics et des membres du personnel des résidences. Ces trouvailles ont propulsé Maelström créatif à devenir un pilier d’ALAVIVA. Le projet a fait évoluer la mission initiale de l’organisme, soit de « favoriser la vie active et l’inclusion sociale des aînés et des personnes à mobilité réduite », en y ajoutant « avec les technologies ». Andrée vise l’achat de plusieurs robots de téléprésence afin de les proposer en location et d’en faire la gestion pour offrir un service de jumelage. De plus, elle a multiplié l’offre culturelle en démarchant plus de partenaires dans différentes disciplines : muséologie, musique, clown et le domaine récréotouristique.

Une liaison avec une équipe de développement en France a permis de découvrir un robot nommé Cutii qui est conçu pour le maintien à domicile. Ce nouveau robot de téléprésence a ouvert le service à une tout autre clientèle qui a besoin de sécurité et de soutien, ce qui a permis à l’organisme ALAVIVA d’entrer dans le domaine de la santé et du soin à la personne en plus du service culturel et de la stimulation.

Les défis : Complexité, formation et nouveauté

La complexité du modèle d’affaire augmente la difficulté d’accès au financement. Malgré le soutien au projet des milieux culturels, des travailleurs de la santé et des aînés, il n’existe pas présentement de budgets au gouvernement pour ce type de projet, car il y a trois éléments de coûts : la technologie (appareil, connexion, WiFi, etc.), le volet financement des animateurs culturels (actuellement financé à même les budgets des organisations culturelles) et le volet encadrement, accompagnement et jumelage pris en charge par ALAVIVA. « Le ministère de l’éducation a des budgets pour faire des sorties culturelles avec les écoles. Mais ça, ça n’existe pas du côté de la santé. Et les budgets sont très faibles. Donc on se dit que ce serait bien de s’inspirer de ce modèle-là pour la santé », raconte Andrée.

L’animation auprès d’une clientèle aussi diversifiée (les aînés et les personnes à mobilité réduite) demande des connaissances particulières et une certaine agilité. Les animateurs étant principalement des partenaires – des guides, des médiateurs artistiques, des artistes, ainsi qu’une équipe de bénévoles à l’interne – l’organisme doit assurer l’encadrement, l’accompagnement et le jumelage. La valeur ajoutée d’ALAVIVA, c’est de trouver la bonne personne à jumeler autant pour le client que pour l’animateur.

Andrée participe à de nombreux projets de recherche à différents niveaux et avec des angles de recherche différents, afin de démontrer les bénéfices des robots de téléprésence. Selon Andrée :

Il y a plusieurs centres de recherche sur le vieillissement actif, sur toutes les activités de gérontologie. Il y a beaucoup de chercheurs qui s’intéressent à ça. Donc moi je fais des représentations pour leur dire, « ici, on a un outil, vous pouvez vous amusez avec pour bâtir un projet de recherche ». Donc ce produit-là, on va pouvoir participer à le faire évoluer, pas juste vendre des robots, mais participer à une solution, à un enjeu de société majeur.

Ces projets de recherche et d’appel à solution ont pour objectif de trouver un peu de financement ou de conclure quelques ventes. Cet argent permettrait à l’organisme d’engager des employés pour développer deux directions principales pour le projet : l’une concentrée sur les aspects technologiques, matériels et logistiques, et l’autre pour la formation, l’encadrement et les jumelages.

Les finances : susciter l’intérêt pour débloquer les budgets

L’engouement pour le projet est indéniable. Toutefois, le caractère nouveau ainsi que l’inexistence d’une catégorie budgétaire gouvernementale pour le soutenir rendent le financement plutôt difficile. Les efforts déployés par Andrée pour obtenir une visibilité, obtenir du financement et conclure des ventes sont importants pour l’avenir de ce projet novateur.

En plus de joindre des centres de recherche sur le vieillissement actif, la fondatrice de Maelström créatif recherche une clientèle qu’elle nomme les « early adopters ».  Elle les décrit comme une clientèle assez fortunée, « minimalement ouverte aux technologies, qui aime leur cadre de vie et qui souhaite rester à domicile, et dont les enfants sont plutôt techno-branchés et qui se disent prêts à aider à travers le robot ». Cette clientèle est celle qui, avant la pandémie, avait un budget de 15 000 $ pour des activités et des sorties : manger au restaurant, voyager et consommer des activités culturelles. Cette clientèle représente présentement le potentiel locatif des robots qui sont prêts à être fournis par ALAVIVA en attendant que l’organisme trouve le financement pour étendre la disponibilité aux clients moins fortunés.

Les leçons : Créer des liens, tester rapidement les idées et développer son réseau

La création de ce projet vient répondre à plusieurs besoins sociaux : le vieillissement de la population, la stabilisation de l’emploi des acteurs culturels et le manque de travailleurs dans le milieu de la santé. Selon Andrée, le besoin est là pour son innovation :

En 2031, on va atteindre le pic du vieillissement de la population. Et il n’y aura plus que 2,31 travailleurs pour chaque aîné. Ça veut dire que ce n’est pas beaucoup de monde qui travaille pour beaucoup de gens. Puis la population vieillit, les soins de santé sont de mieux en mieux, mais le nombre de mois, d’années où on a besoin de plus de soin est prolongé.

Pour l’artiste, ne plus avoir d’inquiétude pour payer son loyer, « car si je n’ai pas de pièce de théâtre, je vais pouvoir travailler pour ALAVIVA pendant 2-3 mois. Puis, je vais arrêter ou ralentir car je vais avoir une pièce de théâtre ».

Maelström créatif représente une solution qui vient connecter la santé, l’emploi et la culture. « Mon souhait, c’est que ça permette vraiment à un grand nombre de personnes de prolonger leur maintien à domicile, et à d’autres, que ça permette d’avoir de nouveaux outils pour répondre aux besoins des aînés, malgré la pénurie de main d’œuvre ».

Andrée partage l’importance de rapidement tester les idées afin d’identifier les besoins, valider les idées, tester un prototype, et finalement améliorer l’offre. C’est ce qu’elle appelle l’innovation ouverte ou le design thinking. Pour trouver des solutions adéquates aux problèmes soulevés, il est important d’impliquer les clientèles. Selon Andrée :

On a fait des questionnaires et entrevues auprès du personnel, d’aînés et de quelques proches pour vraiment voir l’intérêt. Le projet pilote a duré 8 semaines dans quatre résidences pour aînés et CHSLD. On a appris des choses, et maintenant on comprend où on est et où on veut aller.

Selon Andrée, le développement et l’exploration d’ALAVIVA a pris cinq ou six années avant la pandémie pour permettre la création d’un réseau, de partenaires et d’une bonne crédibilité. Ce bassin était nécessaire avant de monter le projet. C’est un processus qui est long, qui se fait « petit gains par petits gains ». Elle est allée faire des concours (tels que Coopérathon et La piscine de Québec international), elle a sollicité des centres de recherche et des partenaires potentiels et elle a même contacté des députés.

Finalement, la fondatrice de Maelström créatif est une femme passionnée qui est convaincue de l’apport de son projet pour les ainés et les personnes à mobilité réduite, mais aussi pour les acteurs culturels et le personnel de la santé. Pour elle, le Maelström créatif « est 50% pour les employés et 50% pour les résidents, car tout le monde repart avec un petit bout de bonheur ».

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Détails du projet
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