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Tupiq Arctic Circus Troupe : Du cirque pour apporter des changements sociaux

Kuujjuaq et Montréal, QuébecKuujjuaq et Montréal (Québec)

Chercheure d’histoire : Blanche Israël
Personnes passées en entrevue : Christopher Angatookalook (artiste de Tupiq ACT) et Véronique Provencher (chargée de projet)
Date d’entrevue : le 23 juillet 2021

La troupe de cirque inuit Tupiq Arctic Circus Troupe (Tupiq ACT) est un groupe multidisciplinaire d’artistes de cirque inuits professionnels de la région du Nunavik au Nord-du-Québec. Le groupe a pris forme dans le cadre du programme Cirqiniq, un camp d’une durée de 8 jours pour les artistes de cirque offert par le gouvernement régional de Kativik aux ados dans des communautés du Nord-du-Québec depuis 2009. En 2018, un groupe de diplômés du programme Cirqiniq formèrent Tupiq ACT, une troupe de cirque entièrement inuit qui divise son temps entre Montréal et Nunavik. La mission du Tupiq ACT est de promouvoir la culture inuit grâce au cirque contemporain, de mettre en valeur la profondeur de la culture inuit, de contester les hypothèses concernant le fossé entre le Nord et le Sud, et surtout de présenter aux jeunes Inuits des modèles positifs.

Au début de 2020, Tupiq ACT devint un partenaire dans le projet de serre et d’art social Pirursiivik (Pirursiivik signifie « un endroit pour grandir » en Inuktitut) qui cherche à promouvoir de saines habitudes alimentaires dans le Nord. La contribution du Tupiq ACT au projet de serre et d’art social Pirursiivik était d’élaborer un élément d’éducation sociale dont le but était d’aider à façonner les attitudes à l’égard de la nourriture parmi les jeunes Inuits. La troupe fut chargée d’élaborer une production de cirque pour les enfants qui offrirait un véhicule amusant pour promouvoir une augmentation des portions de légumes au sein de l’alimentation inuite traditionnelle qui se concentre sur la viande sauvage, le poisson et la volaille. La production comprenait des légendes et des jeux inuits, de l’art clownesque et de la jonglerie.

L’innovation : Adapter la forme artistique et rester fidèle à la langue

Lorsque la troupe a su qu’elle ne pouvait pas aller en tournée au Nunavik avec sa production de cirque comme prévu, ses membres ont décidé de convertir le spectacle en présentiel en un film.

Leur première étape était d’embaucher des personnes possédant l’expérience nécessaire pour passer au numérique. Par exemple, la troupe embaucha une équipe technique qui avaient de l’expérience spécifique en vidéographie de cirque. Cependant, ils ont rapidement appris que le nouveau format de présentation leur demanderait de basculer l’approche artistique. « Avec un film, tu dois faire la même chose beaucoup de fois pour obtenir différents angles de caméra », dit Véronique Provencher, chargée de projet à Tupiq ACT. « Cela doit être structuré différemment d’une performance de cirque. » L’équipe technique chevronnée permit aux artistes d’adapter la performance à l’écran avec assurance.

Le film fut créé en Inuktitut, le dialecte régional du Nunavik, conformément à la mission de Tupiq ACT d’offrir des ressources pédagogiques dans une langue que la communauté reconnaît.

Le défi : Embrasser les courbes d’apprentissage

La transition d’un spectacle sur scène à un film fut complexe pour la troupe, elle impliquait : une période de reconditionnement physique pour les artistes qui ne s’étaient pas entraînés depuis six mois, des stratégies de contournement créatives à cause des restrictions strictes au Québec pour limiter la propagation de la COVID-19, la gestion du port du masque lors de l’exécution d’acrobaties difficiles et un apprentissage de la production de film en partant de zéro.

L’artiste et administrateur de Tupiq ACT, Chris Angatookalook, accueillit le passage au nouveau médium comme une occasion de s’essayer au montage vidéo, ce qui impliquait une courbe d’apprentissage importante et beaucoup de temps. « C’est certainement quelque chose que je vais devoir apprendre à partir de zéro, trouver le logiciel qui fonctionne pour moi. J’apprends les bases. » Cela dit, Chris souligne qu’il a aimé le défi : « J’ai eu tellement de plaisir à le faire. Je veux commencer à le faire plus régulièrement. J’aimerais documenter, monter et partager notre expérience. »

Minnie Ningiuruvik hovers over (left to right) Michael Nappatuk, Charlie Makiuk and Saali Kuata

Bien que Tupiq ACT n’avait pas d’expérience en création de film de cirque avant la pandémie, les artistes, tous âgés de 20 à 30 ans, choisirent d’affronter le changement comme une occasion de mettre en valeur leur créativité. « Nous avions incontestablement un peu plus de liberté en le faisant sur vidéo », dit Chris. « Lorsque tu fais du cirque sur scène, tu n’as qu’une chance de le réussir. Mais lorsque tu le fais sur vidéo, tu peux te corriger, prendre deux minutes pour reprendre ton souffle. Tu peux jouer avec : essayer un plan d’ensemble, filmer une répétition sous un différent angle ou avec une différente lentille de caméra. Cela te permet d’être beaucoup plus créatif. »

La curiosité et la volonté d’apprendre des artistes les ont aussi aidés quand il s’agissait d’un aspect de la vidéo souvent oublié : le sous-titrage. « Nous essayons de garder les choses dans notre langue – l’Inuktitut du Nunavik – le plus possible. Nous avions des sous-titres en français et en anglais pour permettre aux gens de suivre l’histoire. » Cependant, ce processus posa ses propres problèmes. Le sous-titrage a été fait initialement de l’Inuktitut à l’anglais, puis de l’anglais au français. Cela signifiait qu’une fois que les sous-titres en français étaient téléchargés, certaines descriptions ne correspondaient plus exactement au contenu vidéo. « En soi, ceci était intéressant, car nous avons une façon spécifique de parler en Inuktitut et cela ne se traduit pas toujours. C’était tout un processus d’apprentissage qui exigeait beaucoup de révision », dit Chris. Avoir les artistes directement impliqués dans le processus de numérisation permettait d’apporter des corrections et des changements afin que le public obtienne une traduction juste de l’intention du contenu pédagogique et pas uniquement une traduction littérale.

Étant donné que les artistes étaient en confinement à Montréal, la troupe devait naviguer des restrictions importantes liées à la COVID-19, y compris exécuter des acrobaties avec des masques et définir une petite bulle d’artistes et de membres du personnel. « La location d’espaces était tout un casse-tête parce que beaucoup d’espaces avaient beaucoup de restrictions qui ne nous permettaient pas de travailler en équipe dans l’espace », dit Véronique. « Nous devions trouver un espace qui pouvait nous accommoder en tant que bulle sans masques, ce qui a exigé pas mal de réflexion. »

À travers les nombreux défis, les artistes ont fait preuve de leur résilience caractéristique et ont apporté leur esprit de débrouillardise au projet, ce qui définit la façon dont ils naviguent cette année de pandémie difficile, et la vie en général. « La résilience est très importante pour eux », dit Véronique. « Ils sont résilients à cause de leur passé. Ils ont tous vécu des expériences traumatiques et ont réussi à les surmonter. Ils ont gardé le moral, peu importe ce qui se présentait. »

Les finances : Dédier des membres du personnel à la rédaction de demandes de subventions et aux partenariats

Juggling with Tupiq

Puisque Tupiq ACT avait obtenu des subventions du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) avant la pandémie, la principale préoccupation de la troupe était alors de tirer parti de l’enthousiasme initial. L’organisme a mis en place des postes spécifiques afin de générer de nouvelles sources de revenus, dont une personne chargée d’établir des partenariats et une autre consacrée à la rédaction des demandes de subvention, ce qui a mené à l’obtention de deux subventions de production ainsi que des subventions de développement organisationnel de l’Institut culturel Avataq et du CALQ.

Avant la pandémie, Tupiq ACT avait établi un partenariat avec la Fondation One Drop, une fondation d’art social axée sur le cirque et le « bébé » de Guy Laliberté, fondateur du Cirque du Soleil. Ceci permit à la troupe de rester active tout au long de la pandémie, même à un stade aussi précoce de l’histoire de leur organisme. De plus, de nouveaux partenariats et de nouveaux clients ont émergé tout au long de la pandémie. Par exemple, le festival d’arts du cirque La TOHU leur tendit la main en les invitant à participer à leur festival. Cette occasion et d’autres occasions de spectacles permettront au Tupiq ACT de rapporter des honoraires pour payer ses artistes tout en augmentant leur visibilité, en plus de compléter son revenu provenant de subventions tandis que la compagnie continue de grandir.

Les leçons : S’appuyer sur les valeurs fondamentales et la communauté

L’approche de Tupiq ACT aux changements durant la pandémie démontre comment appliquer les formes de savoir traditionnelles des Inuits aux contextes contemporains. Cette approche centrée sur les valeurs de sa communauté permit à la troupe de rester ancrée durant cette période tumultueuse. « COVID était une plateforme qui nous démontra comment nous devons nous adapter constamment à notre environnement en tant qu’êtres humains », dit Chris. « Cet environnement ne comprend pas uniquement le monde physique; il comprend aussi les médias sociaux. »

Chris et Véronique définissent aussi les partenariats solides de Tupiq ACT comme un élément clé de leur succès. « Pour beaucoup de jeunes qui veulent démarrer un projet : il s’agit de trouver de bons partenaires », dit Véronique. « Ce fut l’une des clés du succès pour cet organisme : demander de l’aide et être fiable. » Tupiq ACT fut capable de réussir durant cette période difficile parce qu’elle insista à tenir les promesses qu’elle avait prises avec ses partenaires avant la pandémie, même lorsque les circonstances avaient radicalement changé. Cela s’avère un bon investissement dans le futur de la compagnie.

La compagnie reconnaît le contexte social et politique, où les arts autochtones se trouvent sous les projecteurs, surtout dans le Nord. « Notre organisme reçoit beaucoup d’attention positive en ce moment, dit Véronique. Les prochaines années seront excitantes. » La troupe a maintenu le cap en accordant la priorité aux besoins de ses artistes. Véronique explique que le projet « était une excellente façon de travailler ensemble, de former une équipe malgré les diverses mesures qui devaient être prises pour y arriver. C’était très important pour la santé mentale de tout le monde. »

Chris offre un conseil judicieux durant cette période tumultueuse : « Même quand tu ne sais pas quelle est ta prochaine étape, prends quand même ce premier pas et vois où cela t’amène. »

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Détails du projet
Work created as part of a STEPS Public art project. Source: STEPS Public Art.Photo of Mohawk Institute Residential School. Credit: Layla Black, Woodland Cultural Centre. Retrieved from https://woodlandculturalcentre.ca/mohawk-institute-residential-school-virtual-tour-now-available-online/.