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Résidence Liveness à Dancemakers : Pousser la diffusion en continu

Toronto, OntarioToronto (Ontario)

Chercheure d’histoire : Blanche Israël
Personnes passées en entrevue : Luke Garwood, programmeur informatique et danseur contemporain; et Brodie Stevenson, président du conseil d’administration
Dates d’entrevues : le 15 juillet 2021 et le 3 août 2021

Dancemakers est un organisme de danse communautaire axé sur la recherche et le développement d’artistes en création de danse. L’organisme fournit aux artistes une gamme de ressources qui soutiennent l’innovation dans leur pratique et l’élaboration de nouvelles œuvres de danse.

En mars 2021, tandis que l’organisme était au milieu d’une transition majeure, Dancemakers invita le danseur et programmeur informatique Luke Garwood à entreprendre une résidence d’artiste d’une semaine afin d’explorer la création de danse dans le cadre de la diffusion en continu en traitant cette dernière comme un moyen de diffusion  à part entière. Luke et ses trois partenaires (l’artiste et professeur adjoint à l’Université OCAD Immony Mèn, la chorégraphe Heidi Strauss et la danseuse Dedra McDermott) passèrent la résidence à tester des techniques de performance, de nouveaux outils logiciels pour la manipulation numérique et de l’équipement à la fine pointe de la technologie. L’objectif était d’explorer et d’utiliser une variété d’outils pour rendre la diffusion en continu plus intéressante et captivante, tant pour les auditoires que pour les interprètes.

L’innovation : Technologie de pointe et une approche axée sur le processus

Pendant la résidence, les artistes ont utilisé de nombreuses techniques innovatrices et des outils de pointe dans le cadre de leur processus exploratoire, dont la capture de mouvement, la manipulation numérique, la projection, des caméras vidéo haut de gamme et des langages de programmation visuels interactifs pour le contenu multimédia. L’équipe artistique a eu l’occasion d’expérimenter avec la notion même du « direct » élargissant ainsi la définition de danse, afin qu’il s’agisse « moins de la forme du corps et davantage de son mouvement, » comme l’explique Luke.

An example of digital manipulation of data from a motion capture suit. Photo credit_ Heidi Strauss.

L’équipe a travaillé avec les performances des danseuses et danseurs en temps réel, en y appliquant des effets numériques, des filtres et des manipulations. Luke nota que « pendant que tu programmes, tu fais cela en temps réel, alors tes choix en tant que VJ (vidéo-jockey) en quelque sorte sont aussi une partie importante de la diffusion en continu. » Lorsque l’équipe de programmation a eu l’idée de projeter un flux de diffusion en direct à même le studio, les interprètes ont été capables d’improviser des réactions à leurs propres mouvements saisis de façon numérique. Grâce aux interactions entre les outils numériques et les interprètes, une discussion émergea entre les manifestations numériques et analogues du mouvement physique. Luke explique « qu’en tant qu’interprète, que danseur, si je me vois être transformé dans ces objets numériques, je ne suis plus nécessairement attaché qu’à mon être corporel — je suis étendu dans cet espace manipulé numériquement. »

Pour les membres du public qui regardaient la diffusion en continu, l’équipe de programmation devait trouver des façons de communiquer efficacement ce qui était et ce qui n’était pas manipulé numériquement. Luke explique qu’ils ont souvent fait cela en travaillant avec une représentation visuelle d’une image dans l’image. « Si c’est un écran, nous pouvons avoir le danseur dans le coin supérieur droit, puis montrer l’effet de l’image manipulée numériquement sur le reste de l’écran. Les gens peuvent ainsi comprendre que cela vient d’un corps en mouvement. »

Même si Luke et ses partenaires ont utilisé des outils de pointe qui pourraient sembler futuristes et étranges pour bien des artistes, une des parties les plus innovatrices de la résidence était son orientation vers le processus plutôt que vers le produit. Pour Luke, un travail axé sur le processus permet aux artistes « d’expérimenter davantage sans se soucier du produit final ». En comparaison, lorsque l’innovation est axée sur le produit, Luke croit que cela devient alors une question de cibler « le plus petit dénominateur commun [en matière d’équipement] de l’auditoire. Une limite s’impose dès que l’on parle de permettre à l’auditoire d’interagir avec le produit artistique. »

Le défi : Incertitudes organisationnelles

La résidence fut organisée durant une période difficile pour Dancemakers, qui avait une ouverture de poste à la direction artistique depuis environ un an. En novembre 2020, le conseil d’administration annonça des plans pour la clôture de l’organisme. La productrice artistique Natasha Powell s’est jointe à l’organisme avec un mandat de le mener vers sa fermeture tout en utilisant les ressources qui restaient pour des résidences et d’autres activités, ce qui lui permit de programmer la résidence Liveness.

En réponse aux protestations de la communauté et à une pétition signée par près de 300 personnes, un nouveau conseil d’administration fut convoqué le 1er février 2021 avec le but de préserver l’organisme et « d’honorer la programmation de Natasha si elle le désirait, » dit Brodie Stevenson, nouveau président du conseil d’administration.

Le moment de ce changement organisationnel causa de l’incertitude et des retards pour la résidence Liveness. Ainsi, la résidence n’était pas conçue pour être répétée ou pour avoir des résultats à long terme, et les artistes ne pouvaient pas compter sur des développements futurs au-delà de la semaine de la résidence.

Les finances : Financement de base de longue date et un partenariat clé

Grâce en partie à leurs 46 années d’histoire de travail précieux dans la communauté de la danse, Dancemakers bénéficie d’un financement de base de tous les niveaux de gouvernement. Ainsi, l’organisme avait des fonds pour des projets de résidence, qui sont un élément principal de son mandat. Les artistes qui y ont participé furent payés par Dancemakers, mais la génération de revenus n’était pas une motivation clé étant donné la transition organisationnelle qui était en cours.

L’équipe artistique fut capable d’accéder à de l’équipement de pointe grâce à un partenariat avec le Public Visualization Lab à l’Université OCAD. Selon son site Web, le « Public Visualization Lab se concentre sur la façon dont la visualisation peut agir à titre de pratique critique conceptuelle et médiatique. » En tant que codirecteur du laboratoire, Immony Mèn a pu prêter de l’équipement qui aurait été trop dispendieux à acheter pour une résidence d’une semaine. Par exemple, un costume de capture de mouvement peut coûter jusqu’à 3 000 $.

Dancemakers reçut la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer et la Subvention salariale d’urgence du Canada pendant la période de la résidence, mais pas directement pour ce projet. Néanmoins, le fait d’avoir ce soutien financier en place permit à l’organisme d’avoir assez de soutien administratif pour organiser la résidence.

La résidence Liveness pourrait avoir un impact financier à plus long terme sur Dancemakers. La nouvelle équipe de gouvernance espère tirer des apprentissages de la résidence (c.-à-d., les séquences et d’autres documentations) afin de renforcer leur dossier pour préserver leur financement de base.

La leçon : L’innovation en tant que retour à la source

Luke ressortit de la résidence d’une semaine avec un sentiment d’optimisme renouvelé par rapport à la diffusion en continu, malgré un certain scepticisme initial. « Je voyais la diffusion en continu être utilisée d’une manière paresseuse — penser que l’on peut remplacer l’auditoire par une caméra et simplement en projeter le résultat sur un écran. » Puisque Luke n’avait encore jamais personnellement fait de diffusion en continu, il a pensé « qu’il ne pouvait pas critiquer ce mode de transmission sans joindre le geste et la parole et l’essayer. » En réfléchissant à la résidence, il affirme que « il y a beaucoup de possibilités en matière d’exploitation de la diffusion en continu. L’objectif était d’utiliser tout ce qu’elle peut fournir. Mon espoir est que les gens puissent voir le potentiel de penser à la diffusion en continu d’une différente manière. »

En explorant de nouveaux processus, de nouveaux modèles de dissémination et de nouvelles définitions de la danse dans le domaine numérique, Dancemakers fraye le chemin pour la prochaine génération d’artistes de la danse. « Il y a toute une génération [d’artistes de la danse] plus jeune qui ne veut pas nécessairement aller en tournée, » explique Brodie. Cette réorientation générationnelle implique un changement majeur dans le monde de la danse, changement qui pourrait mener à une distinction plus importante entre le processus (l’exploration créative en soi) et le produit (une pièce finale soignée créée pour un auditoire). Brodie est allé jusqu’à dire qu’il croit qu’un découplage du processus et du produit sera un résultat clé de la pandémie.

La résidence permit aussi de découvrir une nouvelle compréhension du comportement des auditoires ainsi que des éléments techniques liés à la qualité et la compression audiovisuelle. En ce qui concerne le comportement des auditoires, Luke a fait noter « qu’il y a beaucoup plus de chance que le monde regarde si nous interrompons leur flux Facebook, plutôt que d’envoyer des liens à quelque chose. » Sur le plan technique, l’équipe détermina des façons d’incorporer les données de mouvements qui n’exigeaient pas d’équipement dispendieux comme des costumes de capture de mouvement. « Il existe des capacités très intéressantes dans l’apprentissage machine pour saisir des données de mouvements provenant de simples vidéos, » affirme Luke, qui fait noter que n’importe qui avec un téléphone intelligent ou un appareil photo numérique peut avoir accès à ces capacités d’apprentissage machine et les appliquer à du contenu vidéo qui capte les mouvements.

Malgré les connaissances acquises durant la résidence, Luke demeurait « nerveux quant à l’utilisation du mot innovateur. » Souvent, dit-il, ce que nous considérons comme étant innovateur est en fait un retour à la source, le fait de « voir la similitude entre des choses qui peuvent autrement avoir l’air comme si elles proviennent de deux différents mondes. L’innovation provient de l’emboîtement de différents espaces. »

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