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Le Festival théâtre jeunesse du Théâtre Cercle Molière : créer du théâtre et rassembler les jeunes à distance

Winnipeg, ManitobaWinnipeg (Manitoba)

Chercheures d’histoire: Myriam Benzakour-Durand et Blanche Israël
Personne passée en entrevue: Alison Palmer, programmation scolaire et formation
Date de l’entrevue: 12 juillet 2021

Le Théâtre Cercle Molière (TCM) est une compagnie de théâtre quasi-centenaire établie à Winnipeg qui vise à rassembler les gens du Manitoba autour de la scène et de la culture francophone. Fondé en 1925, le TCM se dit l’un des principaux moteurs de la vie culturelle franco-manitobaine.

Depuis plus de cinquante ans, en plus de sa programmation régulière, le Théâtre Cercle Molière propose à chaque année aux élèves de niveaux présecondaire et secondaire le Festival théâtre jeunesse (FTJ), un festival de création théâtrale, de célébration et d’échange. Dans le cadre de ce festival d’une semaine, une trentaine d’écoles francophones participent à une expérience valorisante qui les initie aux arts de la scène en les invitant à créer des pièces de théâtre, tout en donnant aux jeunes franco-manitobains la chance de réseauter avec leurs pairs.

Les innovations : Premier festival virtuel et liens plus étroits avec les enseignants

Avant la pandémie, les groupes se réunissaient au Centre culturel franco-manitobain pour présenter leurs pièces devant les autres écoles pour recevoir des rétroactions d’un jury et participer à toute une semaine de célébrations. La semaine du festival est composée de deux jours et deux soirs consacrés aux niveaux présecondaires (7e à 9e année), suivis de deux jours et deux soirs consacrés aux niveaux secondaires (10e à 12e année).  Finalement, l’événement culminant est un gala le vendredi soir doté d’une remise de prix, de musique et d’un thème spécial.

En 2021, le TCM était déterminé à offrir au moins une version du FTJ, malgré la pandémie. Comme l’a expliqué Alison Palmer, responsable de la programmation scolaire, « peu importe le nombre d’inscriptions, peu importe le format, on savait qu’on voulait offrir une place où les gens pourraient partager leurs créations et rencontrer d’autres jeunes. » Le festival n’était toujours pas muni d’un site Web, donc la première étape pour le TCM était de créer une plateforme en ligne pour le festival, dont une zone de vote, une section pour les photos et un forum de discussion permettant aux jeunes de partager des gaffes de tournage et des moments en arrière-scène pour inciter leurs pairs à visionner et à voter pour leur projet.

Jury du Festival théâtre jeunesse virtuel

« Dès le début, a dit Alison, il fallait penser au fait qu’il fallait que ce soit filmé si on n’allait pas pouvoir être en présentiel. » Le TCM a donc forgé un tout nouveau partenariat avec Freeze Frame, un centre d’arts médiatiques pour les jeunes du Manitoba qui présente à chaque printemps le Festival international de films pour enfants de tous âges, dans le cadre duquel les jeunes peuvent apprendre à créer des courts-métrages.

Le TCM et Freeze Frame ont combiné leurs forces afin d’offrir à toutes les écoles intéressées une série de six ateliers préparatifs au FTJ, dont trois ateliers axés sur la réalisation de films (scénarisation, tournage et montage) et trois ateliers axés sur le théâtre (écriture dramatique, jeu et mise en scène). En tout, plus de 75 ateliers virtuels ont été présentés à plus de 450 élèves.

Les ateliers ont mené au FTJ virtuel en mai 2021, dans le cadre duquel 19 projets filmés ont été présentés en ligne sur le site du festival. Les jeunes pouvaient visionner les films, se donner des scores, participer au forum de discussion, puis assister au gala, avec la remise de prix, le vendredi soir sur Zoom.

Pour le TCM, a dit Alison, « c’était vraiment du nouveau de travailler sur ces plateformes. Ça nous a vraiment poussés. » Par contre, elle estime que cela a amplement valu la peine et qu’à l’avenir, ils conserveront le format au moins en partie, en raison de la grande accessibilité que permet le virtuel. « On aime être en personne, mais ce n’est pas toujours possible », dit-elle. Grâce au format virtuel, par exemple, « il y a des écoles très éloignées qui voudraient bénéficier de nos formations et cela leur offre une belle alternative. »

Le TCM s’est adapté aux nouvelles technologies à l’interne tout en se dotant de l’expertise externe nécessaire pour pouvoir présenter un gala de haut niveau. « On a appris à utiliser les plateformes. On n’a embauché que pour notre gala. On a fait un livestream, c’était super cool. On pouvait voir que les jeunes étaient tout excités. » La remise de prix fut conçue pour s’apparenter à la version en présentiel, avec un animateur dynamique qui encourageait les jeunes à danser. Ainsi, on pouvait voir chaque élève dans sa propre case Zoom danser et faire partie de la soirée. « Je ne pense pas qu’on puisse aller plus dans le réel que ça », a dit Alison.

Les défis : Adaptations et consultations

Afin de préparer l’événement, il a fallu, plus que jamais, que le TCM tisse des liens étroits avec les professeurs tout au long de l’année scolaire. « Il fallait soutenir les profs, faire beaucoup de [tête-à-têtes], de téléphones, de courriels », a fait noter Alison. Cela a permis au TCM de façonner son festival virtuel. Alison partage que « l’autre version du FTJ était vraiment rodée. Il n’y avait pas tellement de consultations », alors que la nouvelle version du FTJ exigeait des adaptations constantes et demandait une attention plus particulière. « Les élèves sont-ils à la maison? À l’école? Moitié-moitié? S’ils sont à l’école, sont-ils chacun à leur propre écran ou sont-ils tous devant un même ordinateur pour toute la classe? Il fallait vraiment s’adapter », a expliqué Alison. Le besoin de suivi était donc plus prononcé. « On avait des formations pour enseignants, on les outillait. Il y avait beaucoup plus de suivi où on pouvait voir le progrès de chaque école et en parler. » La rétroaction et le suivi auprès des enseignants et des élèves est un aspect du festival virtuel qu’Alison désire garder dans l’avenir.

En ce qui a trait aux difficultés présentées par le projet, Alison adopte une philosophie d’improvisation, typique de son domaine artistique. « Il y avait des erreurs, dit-elle, mais c’est comme au théâtre : quand tu manques une réplique, c’est ça qui fait que c’est humain et que c’est vrai. C’était touchant d’y repenser après. Ce n’était pas tout peaufiné. »

Les finances : Préparation aux coûts inattendus et visibilité des commanditaires

Alison a souligné que, même lors d’une année normale, « le FTJ n’a jamais été une activité conçue pour faire de l’argent ». Le festival dépend de subventions, d’octrois, de commanditaires et de partenaires. Le nouveau festival virtuel n’a toutefois pas perdu d’argent, bien qu’il ait été offert aux écoles gratuitement pour la première fois dans son histoire. « On a bien planifié et on s’est alignés selon nos subventions. On a été capables de l’offrir gratuitement, avec des beaux cadeaux [pour les élèves] à la fin. »

Cependant, Alison a expliqué qu’ une réduction des coûts en lien avec la virtualisation d’un tel festival n’est pas assurée. « Ça coûte autant, sinon plus, parce qu’il faut penser à l’équipement technique, à la création de vidéos pour le site Web, à la compagnie qu’on a embauchée pour le gala, aux ateliers gratuits. Toutes ces petites affaires-là s’accumulent. »

Sur le plan de la visibilité, il fallait imaginer de nouvelles façons de reconnaître les bailleurs de fonds. L’organisme a créé un tableau de visibilité sur le nouveau site Web du festival pour souligner les contributions des commanditaires et des financeurs publics. De plus, la remise de prix virtuelle fut une nouvelle vitrine pour les bailleurs de fonds. « Tous ceux qui ont remis des prix au gala étaient des commanditaires, » a fait remarquer Alison.

La virtualisation du projet avait ses avantages sur le plan promotionnel. Le trafic sur le site Web du FTJ a permis au TCM de publiciser ses autres projets, comme son Marathon de création, pour inciter les jeunes à y participer.

Les leçons : Format hybride, consultations accrues et partenariats non-traditionnels

Alison prévoit que le FTJ, qui était sans site Web avant la pandémie, sera désormais présenté en hybride : un gala en présentiel avec l’option d’y assister à distance. Un format hybride permettrait au festival de réduire les coûts chargés aux écoles tout en conservant l’esprit de création collective. « C’est sûr qu’un atelier où on joue, où on crée, c’est le fun d’être [en présentiel]. Mais il y a beaucoup qui est possible [en virtuel] avec un plus petit budget de la part de l’école. Pas besoin de déplacer un artiste, par exemple. »

Après 50 ans de festivals, l’organisation n’avait plus l’habitude de consulter les différentes parties prenantes. « C’est quelque chose qui manquait peut-être, » a dit Alison. Les avantages d’une consultation continue auprès des enseignants et des élèves participants étaient indiscutables. Le comité des étudiants, les sondages auprès des représentants de chaque école et les rencontres en tête-à-tête avec les enseignants seront donc conservés, tant pour évaluer le succès du festival que pour envisager de futures modifications.

Alison a affirmé que la pandémie a permis au FTJ de s’ouvrir à des partenariats et à des collaborations qui n’étaient pas possibles ou qui n’avaient pas été imaginés auparavant. « Il y a toujours une solution, peut-être pas celle à laquelle on est habitué ou celle qui a toujours été la bonne. Des fois, c’est bon de sortir complètement de ce qu’on a l’habitude de faire pour voir les possibilités. » En étant ouvert et en communiquant avec d’autres organismes qui avaient une vision similaire, elle a trouvé qu’il était facile de s’aligner et de créer quelque chose de nouveau ensemble.

 

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Détails du projet
Work created as part of a STEPS Public art project. Source: STEPS Public Art.Photo of Mohawk Institute Residential School. Credit: Layla Black, Woodland Cultural Centre. Retrieved from https://woodlandculturalcentre.ca/mohawk-institute-residential-school-virtual-tour-now-available-online/.