Chercheure d’histoire : Melanie Fernandez
Personne passée en entrevue : Janis Monture, directrice générale
Dates d’entrevue : diverses dates
Le Woodland Cultural Centre (WCC), un centre culturel et éducatif des Premières Nations, est un leader du mouvement pour revitaliser et célébrer l’histoire, la langue, la culture et l’art autochtones, particulièrement celles des Haudenosaunee, Anishinaabe, et Ongwehon:weh. Établi en 1972, le WCC est situé sur les terrains de l’ancien pensionnat Mohawk Institute près de Brantford en Ontario. L’école est parfois appelée le « pensionnat indien de Mush Hole » par ceux qui l’ont fréquentée, en référence au porridge grisâtre et visqueux qui était souvent servi au repas.
Les activités principales du Centre comprennent des programmes éducatifs et artistiques, des expositions dans le musée et la galerie d’art, ainsi que des présentations de sensibilisation auprès d’organismes et d’écoles lors d’événements communautaires. Grâce au centre linguistique et à la bibliothèque de recherche, le WCC fournit un établissement communautaire complet où les jeunes, les adultes et les personnes âgées peuvent faire de la recherche, réaffirmer et célébrer les cultures, les langues, les histoires, l’art et les valeurs autochtones. En se concentrant sur l’apprentissage intergénérationnel, le WCC a attiré des visiteurs de partout dans le monde, des visiteurs qui cherchent à mieux comprendre l’héritage de l’expérience des pensionnats autochtones dans le contexte de la résilience des identités autochtones.
Le Centre présente aussi toute une gamme de représentations autochtones traditionnelles et contemporaines.
En 2013, des fuites majeures dans la toiture ont causé des dommages importants à l’immeuble. Compte tenu des coûts de réparation imminents, le Woodland Cultural Centre a mené des consultations communautaires pour mesurer l’appui de la communauté envers différentes options. Les résultats des consultations étaient renversants : plus de 98 % des gens ayant participé appuyaient la restauration du Mohawk Institute. En réponse, le WCC a lancé la campagne de financement nommée « Save the Evidence » (sauvez les preuves).
Avec la publication en 2015 du rapport et des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, le Centre a travaillé avec les communautés colonisatrices pour expliquer les histoires et les civilisations riches de la région est des Grands Lacs et du peuple Haudenosaunee. Peut-être plus important encore, le Centre a travaillé sans relâche pour soutenir les aspirations communautaires au sein de leurs communautés locales, y compris la bande des Six Nations de la rivière Grand, les Mohawks de la baie de Quinte et les Mohawks de Wahta.
L’innovation : Visites virtuelles permettant une portée plus grande
Avant la pandémie, les visites n’étaient offertes qu’en personne et sur place pour les visiteurs du musée et du centre culturel. En raison de la pandémie, tous les programmes furent adaptés à un environnement virtuel, tout en offrant des occasions de s’engager personnellement. Les visites virtuelles qui en découlèrent fournirent un aperçu du contexte historique, des séances de questions et réponses et des trousses de ressources ayant pour objectif de rehausser la participation des visiteurs avec le sujet.
Le WCC offrait une visite en direct sur Zoom avec des facilitatrices et des facilitateurs ou un préenregistrement pouvant être accédé via un lien Vimeo limité dans le temps. Les groupes peuvent aussi réserver une séance avec une personne ayant survécu aux pensionnats, cependant ces séances sont très limitées. Les commentaires des personnes qui ont participé figurent souvent dans le bulletin électronique du WCC, ce qui sert d’outil de mobilisation pratique pour accroître le récit d’histoires et la participation.
La vidéo de la visite virtuelle suit la guide Lorrie Gallant tandis qu’elle donne une visite de l’ancien pensionnat Mohawk Institute et de ses 140 années d’histoire. La visite permet de voir les dortoirs des filles et des garçons, la cafétéria, la buanderie et d’autres parties de l’immeuble, et d’entendre des entrevues avec cinq survivantes et survivants du pensionnat Mohawk Institute.
La visite peut être accédée via une séance Zoom avec des facilitatrices et des facilitateurs en direct ou via un lien Vimeo limité dans le temps (comprenant une introduction et une conclusion préenregistrées), permettant ainsi aux groupes d’avoir accès au matériel à leur gré.
Les programmes furent accédés par :
- Des entreprises, à des fins de formation et de sensibilisation;
- Des écoles, besoins en matière de programmes;
- Des organismes de service, des clubs et des groupes d’intérêts spéciaux, à des fins de sensibilisation;
- Des organismes à but non lucratif;
- Des organismes gouvernementaux; et
- Des individus.
Les offres virtuelles peuvent être personnalisées pour correspondre aux objectifs des visiteurs. Par exemple, les visites peuvent être personnalisées afin de répondre aux exigences en matière de programmes propres à une école, aux objectifs d’une formation en entreprise, aux organismes de service ou aux organismes religieux ayant des priorités précises, etc. Les trousses de ressources, disponibles au moment de la réservation, sont légèrement adaptées selon le type de visiteurs : familles, écoles ou individus.
Le WCC développe présentement de nouvelles ressources virtuelles afin de répondre à la demande pour des ressources, du contenu et du matériel de formation autochtones. La production d’une nouvelle visite de l’ancien pensionnat Mohawk Institute ainsi que de nouvelles visites virtuelles, y compris une visite virtuelle du musée et de la galerie d’art et des visites sur des thèmes comme « la revendication territoriale », « l’art contemporain », « les traditions vivantes » et d’autres sont en cours de développement.
Le défi : Équilibrer l’histoire
Il importe pour le mandat et la vision du WCC que les personnes qui visitent le WCC comprennent l’histoire des pensionnats autochtones comme étant une partie tragique de l’histoire des peuples autochtones, sans toutefois définir à elle seule l’ampleur et la résilience de leurs communautés et leur culture. Le WCC croit qu’il est essentiel de présenter un contrepoint à l’histoire du régime des pensionnats autochtones en s’assurant que les gens visitent aussi le musée et la galerie d’art afin de mieux comprendre toutes les facettes de l’histoire des Haudenosaunee.
Trouver un équilibre entre cette histoire importante et l’histoire tout aussi importante reliée aux histoires et traditions riches des communautés culturelles demeure difficile. Atteindre cet équilibre peut s’avérer délicat, surtout en ce moment, quand beaucoup d’attention est portée aux pensionnats autochtones dans le domaine public suite aux horribles découvertes des tombes anonymes à travers le pays, ainsi qu’au rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Le Centre a fait face à de nombreux défis pratiques lors de la mise en œuvre de ce programme. Un des enjeux que le WCC devait considérer au début de la pandémie était la question de comment limiter l’accès aux ressources pour les garder hors du domaine public. Le Centre a réalisé qu’il devait avoir confiance aux individus de ne pas créer de copies de la visite et du matériel connexe. Les ressources sont seulement remises au moment de la réservation, cependant les séances sont menées sur Zoom et un accès limité dans le temps à partir d’un lien sur YouTube est octroyé lors des séances universitaires. À travers le pays, il y a une forte demande pour du nouveau matériel.
À divers moments durant la pandémie, le Centre avait de la difficulté à gérer le nombre écrasant de demandes pour ses programmes virtuels. En fait, le nombre de personnes qui sont entrées en contact avec les offres du Centre a triplé, sensibilisant ainsi la population à la culture des Haudenosaunee et aidant le Centre à atteindre son objectif qui consiste à équilibrer l’histoire de son peuple.
Les finances : Une nouvelle source de revenus importante
Au début de la pandémie de COVID-19, les visites éducatives et publiques en personne au Woodland Cultural Centre devinrent inexistantes, ce qui eut un impact énorme sur les sources de revenus. Le développement et le conditionnement de son programme virtuel ont plus que triplé les recettes de son programme éducatif. Non seulement le nombre de visiteurs virtuels a augmenté dramatiquement (beaucoup venaient de partout au pays, y compris des écoles), mais le Centre a également obtenu un grand nombre de visites internationales et ses offres se sont retrouvées dans des formations en entreprise et des initiatives de développement. Cela a entraîné beaucoup plus de gens à entendre les histoires importantes racontées dans la programmation du WCC.
La visite virtuelle initiale, qui a une excellente valeur de production, a été créée avec un budget très limité (9 000 $) et avec le soutien d’une maison de production des Six Nations (Thru the RedDoor) qui a souvent fourni un appui non financier au Centre. La visite virtuelle et les séances de questions et réponses sont extrêmement captivantes et offrent des témoignages de survivantes et survivants. Les groupes peuvent réserver une séance avec une personne ayant survécu aux pensionnats, cependant ces séances sont très limitées.
Les frais de la visite virtuelle varient selon les visiteurs :
- Écoles et groupes sans but lucratif : 300 $, puis 7,50 $ pour chaque personne supplémentaire au-delà de 40 personnes.
- Séances en entreprise/à but lucratif : tarif minimum de 400 $, puis 10 $ pour chaque personne supplémentaire au-delà de 40 personnes.
- Séances publiques : offertes deux fois par mois pour un don suggéré de 10 $. Les dons sont souvent plus élevés, le don moyen étant de 15 $.
- Le programme est aussi offert comme un avantage pour les individus faisant un don individuel à certains niveaux, ainsi qu’aux sociétés commanditaires.
Suite au succès de l’offre des premières visites virtuelles, le WCC a obtenu du soutien supplémentaire pour développer d’autres offres virtuelles à travers un nombre de sources de financement :
- Le Fonds Stratégie numérique du Conseil des arts du Canada
- Le Fonds pour les communautés résilientes de la Fondation Trillium de l’Ontario
- La Banque TD
- CIBC
- La McLean Foundation
- La Fondation Inspirit
- La Brantford Community Foundation
- La Slaight Family Foundation
- Diverses sources de financement dans le secteur touristique (local et provincial)
Les leçons : Les offres virtuelles peuvent sensibiliser la population à la culture autochtone et aider à équilibrer l’histoire, et les organismes culturels jouent un rôle de premier plan dans la construction de dialogues
L’innovation au Woodland Cultural Centre arrive à point nommé à la suite de la haute visibilité des enjeux reliés aux pensionnats autochtones à travers le Canada. Elle permet de mettre en lumière des enjeux autochtones, tant pour la population que pour les milieux scolaires à tous les niveaux.
Les commentaires des personnes qui ont participé figurent souvent dans un bulletin électronique que le WCC a développé pour appuyer la restauration de l’ancien pensionnat Mohawk Institute. Ce bulletin est un outil de mobilisation pratique pour accroître le récit d’histoires et la participation.
Cette innovation démontre une leçon importante au-delà de l’aspect opportun. Elle montre comment les artistes et les organismes culturels peuvent jouer un rôle de premier plan dans la construction de dialogues à propos des histoires, idées et enjeux fascinants qui existent dans chaque communauté. Dans ce contexte, les organismes culturels sont souvent des lieux d’échange importants.